Janneke van der Putten

Artiste en résidence Espaces Sonores 2019-2020

Le Groupe de Recherche Espaces Sonores a choisi l’artiste néerlandaise Janneke van der Putten pour une résidence de deux mois sur les sites d’arts plastiques de Mulhouse (novembre 2019) et Strasbourg (janvier 2020).

voir plus loin -> texte : « Réflexion sur la résidence Espaces Sonores« 

Texte d’introduction à la résidence et bio

« Ma pratique comprend des expériences d’écoute, de performances, de son, de vidéo, de documentations en image / texte / textile, d’ateliers, de projets musicaux et de création de plateformes pour des échanges culturels. Je développe des travaux dans lesquels la relation entre le son, la voix, le chant et le corps, le temps et espace sont investigués par ses expériences personnelles. Les longues promenades, visites guidées et études d’écoute constituent un point de départ important pour son travail. En cela, j’utilise ma voix comme instrument pour analyser et articuler une situation et un espace particulier, permettant ainsi de mettre en avant et de tester les ‘fonctionnalités’ souvent cachées d’un environnement. Je transforme ces expériences en oeuvre sous forme d’installation, composition, texte, vidéo ou encore performance.

L’objectif de ma résidence est de réaliser des performances in-situ qui seront enregistrées dans différents lieux à (et autour de) Strasbourg. Je mènerai des recherches de manière intuitive sur la façon dont l’humain répond aux environnements, architectures et sites naturels. En tissant des liens entre son, espace et temps grâce à la voix humaine et la physicalité du corps, je me plongerai dans le cycle jour/nuit à travers de longues marches, des sessions d’écoute, la contemplation, l’endurance et les capacités de notre corps, de nos sens à percevoir et se relier à notre environnement.
J’invite les étudiants à engager un dialogue en explorant une prise de conscience sensorielle, des processus de création, un savoir historique et local, de même qu’une prise de pouvoir personnelle et citoyenne à travers une approche performative. La voix est l’outil principal, le paysage et l’architecture fonctionnant comme des instruments qui amplifient la source sonore vocale. »

Diplômée d’un Master de Musique au Royal Conservatory & Royal Art Academy, La Haye (2013) et d’un Bachelor de Textile à la Gerrit Rietveld Academy, Amsterdam (2009), Janneke van der Putten est basée à Rotterdam, Pays-Bas. Elle a pu étudier le chant avec Amelia Cuni et Marianne Svasek entre 2009 et 2014. En hiver 2013, Janneke van der Putten était en résidence au Château, Centre international d’art et du paysage, Île de Vassivière. Expositions personnelles inclues: ’All Begins With A’, TENT Rotterdam (2015), ‘Directed to the Sun’ (Quartier am Hafen (Cologne, 2017) et ‘Quitsa’, CINNNAMON (Rotterdam, 2017). En 2019 Janneke étais en résidence à Akademie Schloss Solitude, Stuttgart.

www.jannekevanderputten.nl


Réflexion sur la Résidence Espaces Sonores

Novembre 2019/Mulhouse & Janvier 2020/Strasbourg
Par Janneke van der Putten

Grâce à mes précédents ateliers et performances à la HEAR Mulhouse (Voix et Textile dans le Paysage, 2018) et à la HEAR Strasbourg (Voix et Espace, 2018), j’avais déjà une vision claire de ce que je voulais réaliser sur le terrain durant ma résidence. Je n’allais pas seulement expérimenter, pratiquer et prendre connaissance de la HEAR, ces équipements, ses étudiants et enseignants ; mais j’allais aussi découvrir différents sites qui m’intéressaient à explorer davantage, ainsi que le paysage naturel local et l’histoire de la région. Alors c’était merveilleux de pouvoir approfondir ma pratique artistique en continuation des expériences précédentes.

Au cours de ma recherche artistique pendant toute la durée de ma résidence à Espaces Sonores / HEAR, j’ai suivi un mode de travail collaboratif basé sur les processus dédiés au son de la voix et aux lieux de résonance – où l’architecture interagit avec son propre espace acoustique. Mes interventions performatives provoquaient une reconnaissance du lieu, par la présence et par l’action – comme une célébration qui tenait compte des caractéristiques des lieux en s’y adaptant ; en fonction de leurs cultures historiques, leurs résonances acoustiques, et même leurs situations géopolitiques. J’ai été réceptive aux échanges sur le plan social, et j’ai pu rencontrer beaucoup de personnes de la région et intégrer ces interactions dans la création, provoquant des discussions basées sur l’expérience et la recherche. Ceci m’a aussi amené à développer mon intérêt pour la géographie et les lieux ancestraux – lieux énergétiques, archéologiques et mythologiques. Les actions étaient menées avec la participation des étudiant(e)s de la HEAR et d’autres personnes externes qui se sont intéressées à ma pratique à la suite de mes deux présentations publiques au début de chaque période de résidence. Je les invitais à un dialogue d’exploration de la conscience sensorielle, des processus créatifs, des connaissances historiques et locales, ainsi que de l’autonomisation personnelle et civile à travers une approche performative.

Plusieurs performances collectives se sont réalisées dans les studios, que nous avons filmé et enregistré. Il s’agit de séances de travail non-linéaires, imaginées pour leur sonorités, leurs aspects visuels, leur lumière et leurs interactions chorégraphiques. Elles n’étaient pas rationalisées, et les participants se plongeaient dans les expériences de l’écoute, le toucher, la relation avec l’autre et notre propre corps : parcourant un lac, blindés, mains dans la main ; s’orientant par la voix de l’autre ; criant en haut d’un château d’eau, attendant jusqu’à ce que l’écho s’arrête, et puis criant à nouveau – au rythme de la réverbération. On a fait de l’urbex dans des usines de textile abandonnées; on a exploré des documentations d’architectures monumentales comme un piscine chauffée à l’ancienne avec du charbon; on a fait des interviews avec des scientifiques sur ce phénomène de charbon et de l’archéologie industrielle, avec des conducteurs de la chaufferie au charbon, avec des artistes, des historiens, des archivistes et des professionnels de médiation, avec des artisans de textile et des connaisseurs de techniques textiles anciennes… On a exploré les ruines d’un château médiéval en randonnée sur une montagne mythologique ; on a parcouru un mur païen en circumambulation ; participé avec un groupe de musiciens de rue de Batucada dans la Maison Mimir (voisin de la HEAR), organisé une intervention musicale dans le Parc de la Citadelle…

Enfin, les actions effectuées variaient dans leurs formes et leurs disciplines, utilisant du fil, de la voix, du textile, de la vidéo et de la performance. Leur singularité était l’envie de s’engager dans le contexte local, développant une série de rencontres dynamiques de différents extrêmes et intensités – par l’enthousiasme, l’inspiration et la richesse des informations et des matériaux  présents. J’ai étudié les réponses (humaines) aux alentours de Mulhouse et Strasbourg, ses architectures urbaines et ses sites naturels. En enquêtant sur la relation du son, de l’espace et du temps à travers la voix humaine et le corps physique, je me suis immergé dans le temps cyclique du jour / de la nuit, à travers de longues marches, des séances d’écoute, la contemplation, l’endurance et les capacités de notre corps et de nos sens à communiquer et à percevoir notre environnement. J’ai spécifiquement exploré les possibilités acoustiques et les caractères de sites tels que les usines DMC abandonnées – avec des salles qui permettent des échos très longs, ainsi que plusieurs châteaux d’eau dans la région.

Aussi, en collaboration avec des étudiant(e)s du département de verre, nous investiguons comment un espace de verre peut amplifier le son de la voix – tel un résonateur portable. Nous avons fait plusieurs essais, et les étudiantes ont soufflé différentes formes. Après nous les avons activés dans les studios de la HEAR, qui ont une acoustique réverbérante intéressante. Un autre exemple est la découverte d’un livre de Gérard Léger sur les légendes aquatiques en Alsace (que j’ai trouvé dans la bibliothèque municipale de Mulhouse, à côté de mon habitation de résidence). Cela a motivé quelques excursions, notamment j’ai interviewé l’auteur chez lui à Colmar, mais j’ai aussi emmené les étudiants à quelques sites décrits dans le livre: le Donon, et ensuite, le Lac de la Maix.

Finalement, en profitant de la variété de départements affiliés à la HEAR, j’ai eu la chance de faire plusieurs sessions musicales et d’enregistrements avec Alonso Huerta, étudiant en Ondes Martenot (mais aussi en Création Électroacoustique). Cet instrument de musique est exceptionnellement rare et ses différentes sonorités et les combinaisons possibles avec voix sont frappants. Grâce au support et aux connaissances techniques disponibles dans le studio électroacoustique du conservatoire, un enregistrement ambisonique et un mixe binaural s’est réalisé par Tom Mays de mon solo Cycles: Overtones and Glottis Attack. Autres collaborations étaient entre autres avec la musicienne de cornemuse, Lisa Käuffert, avec qui j’ai enregistré quelques sessions.

Le matériel généré est en processus d’édition envers différentes œuvres, que j’espère pouvoir présenter dans la région. Il y aura aussi une publication audio en format de vinyle prévue au printemps 2023. Des présentations qui ont suivies la résidence sont : 

  • une collaboration avec enregistrement de voix pour le film Quercus, avec la musique par Armand Lesecq; 
  • une performance dans le Inact Festival, Strasbourg; 
  • une participation avec enregistrement binaural dans l’exposition ‘Audiosphere, Sound Expérimentation 1980-2020’ à Museo Reina Sofía, Madrid.

Mes sincères remerciements aux personnes qui ont participé à ma recherche, à l’équipe d’Espaces Sonores, et à toutes les personnes qui ont accompagné et facilité mon séjour à Mulhouse et Strasbourg.